// EN

Biographie

version courte
Sylvie Cotton est une artiste interdisciplinaire vivant à Montréal, au Québec. Sa recherche, amorcée en 1997, est liée aux pratiques de la performance, de l’art action, du dessin et de l’écriture, bien qu’elle fasse aussi régulièrement appel aux formes installatives pour la réalisation de projets d’exposition. Ses œuvres s’ouvrent sur la création de situations menant à l’instauration d’un rapport avec l’autre ou à une infiltration dans le monde de l’autre.

Principalement, le travail s’inscrit in situ et in spiritu dans des lieux privés ou publics, et les résultats sont présentés dans des galeries et des festivals ou se déploient hors les murs dans d’autres types d’espaces publics (rue, ascenseur, parc ou restaurant, par exemple). L’activité de résidence est également utilisée comme un médium de création performative.

Sylvie Cotton est aussi auteure et commissaire. Elle a organisé des événements, dirigé des publications et a été membre de nombreux groupes de travail et de comités en arts visuels. Elle a présenté ses projets de performance ou d’installation au Québec, aux États-Unis, en Italie, en Allemagne, en Serbie, en Pologne, en Finlande, en Estonie, en Espagne et au Japon.

version longue
Sylvie Cotton est née en 1962. Elle se définit comme artiste interdisciplinaire et a une pratique d’art action, de dessin et d’écriture. Ses projets consistent principalement en la création de situations impliquant des rencontres et des échanges avec autrui.

Après des études collégiales en lettres et langues modernes et un voyage d’un an en Europe, elle s’inscrit en arts plastiques, mais quitte rapidement ce programme. En 1985, à 22 ans, elle fonde la galerie-centre d’artistes DARE-DARE, sans expérience professionnelle du milieu artistique. Ce centre, qui existe toujours, ne devait survivre que six mois, d’où son nom : il était conçu pour les jeunes artistes qui ne trouvaient pas de lieu où exposer leurs travaux, et les expositions devaient changer chaque semaine. C’est donc en tant que directrice de galerie et responsable des projets des autres qu’elle entre dans le milieu de l’art.

À la suite de cette expérience de terrain, elle s’inscrit à la maîtrise en muséologie à l’Université du Québec à Montréal, et c’est dans le cadre de ce programme qu’elle conçoit son premier projet artistique, intitulé Le consoloir, qui se présente comme un projet de muséologie domestique (inventaire de chaque objet de sa maison avec description formelle et histoire affective de l’objet). Ce premier projet porte en germe tous ceux qui suivront, puisqu’il repose déjà sur l’idée de présenter aux autres des aspects de son histoire personnelle et d’interagir avec eux par l’entremise de ce « matériau ».

Au terme de sa maîtrise, elle devient directrice de la galerie Skol en 1993, où elle fait à nouveau la promotion du travail d’artistes de la relève. En 1997, elle quitte Skol pour se lancer dans sa propre pratique artistique. Celle-ci consiste à faire des assemblages d’objets ainsi que de la peinture et du dessin, puis à transporter cet atelier dans différents centres en résidence, sous forme d’installations engageant le spectateur à faire une action (tirer quelque chose, manger quelque chose, tourner quelque chose, ouvrir quelque chose). Elle expérimente ces premières résidences comme des « performances de la résidence », où la résidence devient un médium en soi que l’artiste exploite selon cinq axes : « tenter ce qui tente », « déployer l’atelier intérieur », « savoir attendre sans en avoir le temps », « dénoyauteur les intentions » et « communier avec l’espace ». Se met ainsi en place le processus d’interactions qui caractérisera par la suite toute sa pratique. Dès lors, elle fera chaque année une résidence au Québec.

Sa découverte de la performance en tant que telle a lieu dans un workshop, un atelier de performance de Sylvie Tourangeau auquel elle participe en 1998, et qui la convainc de créer non plus des objets offerts à l’expérimentation par autrui mais des situations interactives. Sa première performance publique aura lieu quelques semaines plus tard : invitée à donner une conférence à Chicoutimi, elle crée une performance interactive avec les spectateurs, en lieu et place de la conférence. Au printemps 1999, elle fait une première série d’art action à Montréal, intitulée Situations : ces actions consistent à distribuer sur le Plateau Mont-Royal, pendant une journée, 3000 cartes d’affaires sur lesquelles le verbe « désirer » est imprimé, puis, la semaine suivante, à suspendre 5000 affichettes de porte rouges, sur lesquelles le mot « vivre » est imprimé, aux domiciles des résidents et, enfin, à distribuer aux passants des pommes sur lesquelles elle a gravé le mot « oser ». Ce sera sa première intervention urbaine.

À partir de là, elle commence à concevoir son travail en termes d’« infiltration » dans la réalité des gens. Ainsi, à l’automne 2000, elle met sur pied un projet d’infiltration télévisuelle qui emprunte aux méthodes publicitaires comme c’était déjà le cas avec le projet des cartes d’affaire et des affichettes de porte : elle achète du temps d’antenne à Télé-Québec pour passer un message de quinze secondes entre les émissions, qui ne fait la promotion d’aucun produit spécifique, mais qui montre l’icône jaune du happy face en train de se mettre à pleurer.

En 2000, elle se lance dans le projet des Sylvie. Ce projet commence dans un workshop avec l’artiste espagnole Esther Ferrer, que les Ateliers convertibles de Joliette ont invitée. L’atelier consiste à faire des actions et des interventions dans la ville : Sylvie Cotton choisira de composer des numéros de téléphone au hasard jusqu’à ce qu’elle entre en contact avec une Sylvie et puisse converser avec elle. Elle convertit ce noyau d’atelier en un projet qu’elle développe à la galerie Skol en 2001 (Le théorème des Sylvie), dans le cadre de la programmation Les Commensaux sur les esthétiques relationnelles, et elle rejoint alors soixante-douze Sylvie. Ce projet des Sylvie achève de la convaincre de continuer cette pratique d’infiltration de la réalité quotidienne et de rapprochement de l’art et de la vie. Cette pratique se déploie selon le principe des quatre « P » (présent, public, possible, plaisir) et se développe soit en infiltrant sa propre histoire, comme ce fut le cas dans Le théorème des Sylvie (2001) ou dans la performance où elle invite sa mère à lui faire le récit de sa vie (Suppléance, La Centrale, 2002) et dans celle où elle s’enterre avec son père dans le sable (Conversation sur la mort avec mon père, B-312, 2003); soit en créant des actions interactives fortes : en 2001, en Finlande, elle embrasse sur la bouche toutes les personnes qui empruntent l’ascenseur dans lequel elle se tient pendant trois heures; en 2002, en Espagne, elle invite les spectateurs à se laver les mains dans une bassine d’eau, puis elle boit cette eau; en 2004, à New York, elle reproduit à l’encre indélébile sur son corps les tatouages des spectateurs.

Ses matériaux premiers demeurent l’identité, l’abandon de soi à soi ou dans le rapport à l’autre, et ils ont pris forme dans son rapport affectif aux objets conservés (Le consoloir), dans l’identité onomastique (les Sylvie) et l’identité familiale (sa mère, son père), ainsi que dans l’identité de son corps − qui débouchera sur le vaste projet Mon corps, mon atelier, amorcé au Japon en 2001 et qui s’est prolongé lors des performances Homéopathie (Estonie, 2002), Altérité, Esthétique, Exposition (Espagne, 2002) et Cosmétique (Pologne et Italie, 2004).

Depuis 2006, en plus des participations à des événements internationaux, elle a réalisé deux livres d’artiste, Je préfère tout et On est tous la même personne, présenté une exposition rétrospective de ses œuvres plastiques à la Galerie Joyce Yahouda et participé à la Manif d’Art de Québec, au Musée national des beaux-arts du Québec.

Depuis quelques années aussi, elle travaille en collectif avec Massimo Guerrera et Corine Lemieux sous le nom de VIA. Par des ateliers, des résidences et des expositions, VIA étudie les saveurs et les textures de l’identité artiste.

Sylvie Cotton a réalisé des performances et des projets en art action et donné des conférences au Québec, au Canada et dans de nombreux autres pays : Serbie, Italie, Pologne, Allemagne, Espagne, Estonie, États-Unis, Finlande, Japon.

Une monographie portant sur son travail, dirigée par la commissaire Nathalie de Blois, paraîtra en 2009.